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Recul inédit des importations de textile chinois en France

21.01.2013

 

Il fallait que cela arrive: la consommation française de vêtements s'est effilochée, en 2012, pour la cinquième année consécutive, de 2,1 %, si bien que les articles «made in China» importés en ont fait les frais. Concurrencés par des marchandises en provenance du Pakistan, d'Indonésie, de Madagascar, de Pologne, d'Espagne ou du Portugal…

«Depuis 2004 et la fin des quotas, c'est la première fois que la Chine a vu sa part de marché baisser dans les importations françaises de textile et habillement», souligne Anne-Laure Linget, de la Fédération de la maille et de la lingerie. Après avoir galopé, passant de 10 % en 2000 à 22 % en 2005 juste après la fin des quotas, cette part de marché, de 34,1 % en 2011, a été ramenée, selon l'Institut français de la mode (IFM), à 33,9 % en 2012 sur les dix premiers mois de l'année. Et la tendance ne devrait pas changer en fin d'année.

Plongeon indien

Les importations en provenance de Chine ont reculé de 5,38 % en valeur. Elles ont plongé de 16,17 % en provenance d'Inde, un des huit gros fournisseurs de la France. Parmi eux, le Maroc et la Tunisie, pénalisés par le printemps arabe, ou la Roumanie ont également reculé. Le décrochage de la Chine est encore plus marqué en Europe avec un recul de 9 % des importations, ajoute-t-on à l'Institut français de la mode (IFM).

Les raisons du recul du textile chinois sont diverses. La demande intérieure, qui incite les usines à travailler pour des marques et distributeurs locaux, explose, au détriment des marques internationales. L'inflation et l'appréciation du yuan n'arrangent rien, rendant la confection moins compétitive. Seule la productivité ne cesse de progresser.

Mais les salaires chinois, qui grimpent en flèche (+ 181 % depuis 2004!), sont les plus coupables. Après avoir augmenté de 25 % en 2012, ceux du textile progresseront encore de 20 % cette année.

Déjà, dans les provinces les mieux loties, le salaire minimal équivaut à celui des Roumains ou des Bulgares. C'est une des raisons pour lesquelles bien des marques occidentales transfèrent une partie de leur production vers l'Europe de l'Est, parfois plus rentable si on inclut le coût du transport: les importations françaises ont augmenté de 2 % en Bulgarie et de 22 % en Pologne. Des pays proches, à même d'alimenter plus efficacement le renouvellement accéléré des collections, selon l'incontournable Fast Fashion popularisée par l'espagnol Zara (Inditex).

Les importations françaises d'Espagne ont d'ailleurs gagné 3,54 %. La relocalisation est plus à l'ordre du jour en Europe, qu'en France. Le «made in France» a reculé de 6,81 % en valeur en 2012.

Bien entendu, l'empire du Milieu reste le premier exportateur de textile au monde. Mais il n'a pas fini de perdre du terrain. Au profit d'une multitude d'autres pays, tels le Vietnam, le Cambodge ou l'Indonésie, où les salaires sont inférieurs. Ils entrent ainsi en concurrence avec le Bangladesh, toujours moins cher que la Chine, mais en pleine revendication salariale.

Les achats dans d'autres pays d'Asie (Indonésie, Cambodge, Sri Lanka) ont progressé, si bien que la part de marché de l'Asie dans les importations a un peu augmenté en France et s'est stabilisée en Europe.

À l'inverse, les importations françaises depuis le Bangladesh ont légèrement reculé, alors que les européennes augmentaient de 9 % en 2012. «Le Bangladesh est devenu le deuxième fournisseur de l'Europe après la Chine, dépassant la Turquie», précise Gildas Minvielle, de l'IFM. Malgré les émeutes pour l'amélioration des salaires au Bangladesh, il n'a donc pas dit son dernier mot. Il est très dépendant du textile. «77 % des exportations du Bangladesh se concentrent dans ce secteur», rappelle Anne-Laure Linget. C'est loin d'être le cas en Chine, où la baisse des importations occidentales du «made in China» n'est pas un souci.

La demande intérieure, friande de «made in China» pour le moyen de gamme plus que pour le luxe, compense la baisse des exportations. Quant aux jeunes ouvriers, «dont les parents ont respiré teintures ou particules nocives, ils préfèrent, raconte une consultante, assembler des smartphones plutôt que des robes, cela les valorise plus vis-à-vis de leurs amis».