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Après Chypre, la Slovénie inquiète l'Europe

10.04.2013

 

En visite à Bruxelles la premier ministre slovène s'est voulue rassurante sur l'état de son pays. Les marchés redoutent un nouveau plan de sauvetage à 8 milliards d'euros.

La Slovénie ne sera pas la prochaine Chypre. C'est le message qu'ont martelé mardi la premier ministre slovène et le patron de la Commission européenne alors que les marchés financiers sont braqués sur le petit pays alpin. Nombre d'experts désignent en ­effet Ljubljana, plongée dans une nouvelle récession doublée d'une crise bancaire, comme la pro­chaine capitale à sauver de la faillite. La Slovénie deviendrait, alors le sixième État membre de la zone euro à bénéficier d'une aide internationale après la Grèce, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne et Chypre.

Le chef du gouvernement slovène, Alenka Bratusek, nommée il y a seulement trois semaines à la suite d'un scandale politique qui a fait tomber son prédécesseur, a rencontré mardi à Bruxelles le président José Manuel Barroso et le président du Conseil, Herman Van Rompuy. Leader d'un parti de centre gauche, Alenka Bratusek, 43 ans, a succédé au conservateur Janez Jansa, accusé de corruption. Tentant de faire retomber la pression médiatique de ces derniers jours, la jeune femme a d'emblée déclaré, en allusion à Chypre: «Nous ne sommes pas un paradis fiscal» et «notre endettement est parmi les plus bas d'Europe». «Nous sommes déterminés à ­résoudre nos problèmes par nous-mêmes.»

Tensions sur les marchés

Sur le marché européen des dettes souveraines, le taux des obligations slovènes à deux ans marquait la plus forte hausse mardi après-midi même s'il se détendait par rapport aux jours précédents. Du 20 au 28 mars, au moment de ­l'annonce du plan de sauvetage chypriote controversé, la prime de risque (CDS) sur les emprunts slovènes a bondi de 66 %. Quant au taux des obligations à neuf ans - le 10 ans n'existe pas -, il a dépassé plusieurs fois le seuil critique des 7 %, au-delà duquel le financement d'un État n'est plus supportable sans aide extérieure.

«Nous ne sommes pas un paradis fiscal et notre endettement est parmi les plus bas d'Europe»

Alenka Bratusek, premier ministre de Slovénie

Cette nervosité des marchés reflète la fragilité du pays dont les banques ont accumulé des créances douteuses à hauteur de 20 % du PIB et dont l'économie a replongé en récession. Pour Bank of Ame­rica Merrill Lynch, Ljubljana aurait besoin d'un sauvetage de 6 à 8 milliards d'euros, à la fois pour recapitaliser ses banques et renflouer les finances publiques, ce qui représenterait un sauvetage équivalent à près du quart du PIB là où Chypre va recevoir une aide équivalente à 60 % de son PIB. L'agence de notation Fitch, qui vient de dégrader cinq banques slovènes, considère que les trois principales - Nova Ljubljanska, Nova Kreditna Banka Maribor et Abanka Vipa - ont besoin de 2 milliards d'euros. Le FMI, pour sa part, juge 1 milliard suffisant. Ce sont là «des spéculations», a balayé mardi la chef du gouvernement slovène, demandant à ce que son pays «soit jugé sur les faits».

Pas un centre offshore

«Contrairement à Chypre, la Slo­vénie n'est pas un centre offshore de blanchiment, et la taille du secteur bancaire n'a rien de comparable, distingue Cédric Thellier, analyste chez Natixis. Les banques représentent moins de 150 % du PIB contre 800 % à Chypre et 300 % pour la moyenne de la zone euro et les ­finances publiques sont soutenables avec une dette de 54 % du PIB.» À la différence de Chypre, où les 17 milliards d'euros requis représentait 100 % de son PIB, seuil limite fixé par le FMI, la dette de la Slovénie, en incluant un sauvetage, atteindrait de l'ordre de 75 %. Alors que l'endettement moyen de la zone euro se situe à 93 % du PIB.

Le programme de réforme qu'Alenka Bratusek a exposé à José Manuel Barroso doit permettre à la Slovénie de redresser son économie et ses finances, a-t-il estimé. Les premiers appels d'offres pour les privatisations bancaires débuteront avant l'été, a annoncé la dirigeante. Un peu plus tôt, le secrétaire général adjoint de l'OCDE Yves Leterme avait adressé le même message rassurant depuis Ljubljana en présentant son rapport (lire ci-dessous): «Il n'y a aucune raison d'anticiper un besoin immédiat d'aide financière extérieure.» Jusqu'à présent.